#530


Elle est arrivée la première. Je suis trempé de pluie. Aussitôt assis à ses côtés je l’enlace. Elle me serre contre son cou parfumé. Me baise la joue de ses lèvres mauves. Elle ne cesse de cligner des yeux. Ses cils contre ma pommette balaient la crasse de mes joues. Main dans la main nous volons une heure à la vie qui nous encombre. On remue la boue de l’impossible en silence. Les glaçons fondent dans les jus de fruits qu’on ne boira pas. Je regarde à la fenêtre. Elle me regarde de profil. Je sens ses yeux sur moi. Ses yeux sur mon désir qui cherche à la fuir, sans trouver aucune issue. Puis elle pose sa tête sur mon épaule. Front contre front, on s’aperçoit du coin de l’œil. Avant de s’embrasser à nouveau. Et l’étreinte pourrait commencer là, sur le comptoir, la table, par terre. Elle dit qu’elle ne veut plus continuer. Qu’elle est fatiguée. Qu’elle me veut pour elle seule. Je dis que je comprends. Bien que pour moi, renoncer serait revenir à ce détachement, accepter ce vide qui m’habite depuis tant d’années. Peu importe ce qu’elle décidera, nos rencontres continueront. Il me suffira de les écrire. D’inventer d’autres chambres, d’autres numéros, d’autres portes, d’autres rideaux à fermer sur le jour. Il me suffira d’écrire sa peau pour la sentir, la lécher, la caresser. Il me suffira d’écrire ses paroles pour entendre sa voix. Il suffira de décrire sa bouche pour jouir en elle. Il me suffira de poser sur une feuille blanche le pronom Elle pour qu’elle reste dans ma vie, au My Life Coffee.

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